Peut-on se rajeunir par la cruauté ?
La cruauté juvénile aux cents visages s'est infiltrée dans cette exposition inaugurale. Chacune des oeuvres nous ramène aux récits d'insurgés, de poètes maudits, d'enfants perdus, de révolutionnaires, de meurtriers, de génies ou simplement de lycéens qui ont tous ressenti un effet de déphasage vis-à-vis de la société qui les a vus naître. Basés à Genève, Paris ou Berlin, les six artistes mettent en relief diverses formes de désespérance, d'errance, de violence sur fond de récits fantastiques et de faits réels. Il n'y a pas de problème de Terrorisme, il y a un problème de REEL vs FICTION affiche l'une des œuvres de Seob Kim Boninsegni. Enfermée dans une bulle comme une phrase de slogan, elle souligne un décrochement : celui de l'espace fictif vis-à-vis du réel.
L'horreur des guerres a mis à l'épreuve la puissance évocatrice de la fiction, faisant naître son obsolescence, son besoin de renouvellement. L'humanité condamnée s'est alors, au sortir de la seconde guerre mondiale, tournée vers ses adolescents. Considérés comme des sources vives, ces jeunes consommateurs américains juvéniles devaient compter parmi eux les parents pauvres de la société : les délinquants. L'adolescent, aujourd'hui en pénurie de lendemain, incarnait la futurité au cours des XIXème et XXème siècle.
Il était une fois le corsage de l'Optimisme dégrafé.
Certaines des œuvres présentées renouent avec une obscurité bien antérieure à notre époque : celle qui vient se lover dans l'espace moral et populaire des contes. Les artistes Bianca Benenti et Linda Voorwinde reprennent une lithographie de Gustave Doré, une illustration du « Petit Poucet » de Perrault. De « L'Ogre », il ne reste qu'un plan rapproché sur les trois visages de pouponnes, emmitouflées sous leur couette, indifférentes aux ossements et à l'atrocité du geste meurtrier paternel que les deux artistes ont choisi de garder hors-champ. Le petit poucet a l'âge de ces enfants qu'on devine endormis ou égorgés. Il fait sacrifier le gang des ogresses pour se rapprocher de sa véritable communauté fraternelle, un lien que vient signaler l'utilisation d'un morceau de tronc d'arbre malade découpé en forme de bandana. Généralement de couleur bleue, le bandana signale l'appartenance à un gang. S'agirait-il ici du monde pré-adulte ou d'une communauté qui aurait comme dénominateur commun l'appétit pour la cruauté et les biens culturels? La machine hollywoodienne et la société américaine ont alimenté les rêves d'évasions des teenagers qui se seraient enfermés dans des bulles en orbite. Les films fantastiques, la musique pop et son glissement vers la contre-culture avant de devenir mainstream sont autant de supports d'évasion, d'appartenance et/ou d'accentuation vers l'horreur. Une horreur ténue de couleur bleue :
Barbe bleue aux poils naissants
Le chapeau d'Harry Potter, imaginé par le collectif Real Madrid a voyagé dans le temps, changé sa chromie, sa popularité et sa peau : il est peinture, il est bleu, il est poste de radio aux cinq tubes de l'été.
Le bleu, donc, triomphe. La forme sinueuse et fluide, de Boninsegni, flotte dans l'espace comme un ectoplasme difforme et surdimensionné. Jaillissant de nos rêves, cette sculpture est en réalité une transposition matérielle du flux qui émane de l'abdomen d'un adolescent schizophrène dans le film fantastique de « Donnie Darko ». Le bleu est également une page blanche qui convoque l'imaginaire dans le film « HABIB/KELLY/EMILIE » d'Arnaud Dezoteux. Elle associe son enthousiasme de débutant à son voyeurisme actif de producteur dont la caméra saisit, subrepticement, la vacuité des scènes entre les trois adolescents sur fond bleu. L'effet de déphasage
décrit plus haut est renforcé ici par l'étrangeté de cette situation dans laquelle des comédiens non-professionnels peinent à s'imprégner de leur environnement acoustique. « TACTILIAS BONUS », passé sous le filtre de la technique d'incrustation 3D, est le deuxième volet des films de Dezoteux produit alors qu'il était encore étudiant.
La cruauté juvénile aux cents visages s'est infiltrée dans cette exposition inaugurale. Chacune des oeuvres nous ramène aux récits d'insurgés, de poètes maudits, d'enfants perdus, de révolutionnaires, de meurtriers, de génies ou simplement de lycéens qui ont tous ressenti un effet de déphasage vis-à-vis de la société qui les a vus naître. Basés à Genève, Paris ou Berlin, les six artistes mettent en relief diverses formes de désespérance, d'errance, de violence sur fond de récits fantastiques et de faits réels. Il n'y a pas de problème de Terrorisme, il y a un problème de REEL vs FICTION affiche l'une des œuvres de Seob Kim Boninsegni. Enfermée dans une bulle comme une phrase de slogan, elle souligne un décrochement : celui de l'espace fictif vis-à-vis du réel.
L'horreur des guerres a mis à l'épreuve la puissance évocatrice de la fiction, faisant naître son obsolescence, son besoin de renouvellement. L'humanité condamnée s'est alors, au sortir de la seconde guerre mondiale, tournée vers ses adolescents. Considérés comme des sources vives, ces jeunes consommateurs américains juvéniles devaient compter parmi eux les parents pauvres de la société : les délinquants. L'adolescent, aujourd'hui en pénurie de lendemain, incarnait la futurité au cours des XIXème et XXème siècle.
Il était une fois le corsage de l'Optimisme dégrafé.
Certaines des œuvres présentées renouent avec une obscurité bien antérieure à notre époque : celle qui vient se lover dans l'espace moral et populaire des contes. Les artistes Bianca Benenti et Linda Voorwinde reprennent une lithographie de Gustave Doré, une illustration du « Petit Poucet » de Perrault. De « L'Ogre », il ne reste qu'un plan rapproché sur les trois visages de pouponnes, emmitouflées sous leur couette, indifférentes aux ossements et à l'atrocité du geste meurtrier paternel que les deux artistes ont choisi de garder hors-champ. Le petit poucet a l'âge de ces enfants qu'on devine endormis ou égorgés. Il fait sacrifier le gang des ogresses pour se rapprocher de sa véritable communauté fraternelle, un lien que vient signaler l'utilisation d'un morceau de tronc d'arbre malade découpé en forme de bandana. Généralement de couleur bleue, le bandana signale l'appartenance à un gang. S'agirait-il ici du monde pré-adulte ou d'une communauté qui aurait comme dénominateur commun l'appétit pour la cruauté et les biens culturels? La machine hollywoodienne et la société américaine ont alimenté les rêves d'évasions des teenagers qui se seraient enfermés dans des bulles en orbite. Les films fantastiques, la musique pop et son glissement vers la contre-culture avant de devenir mainstream sont autant de supports d'évasion, d'appartenance et/ou d'accentuation vers l'horreur. Une horreur ténue de couleur bleue :
Barbe bleue aux poils naissants
Le chapeau d'Harry Potter, imaginé par le collectif Real Madrid a voyagé dans le temps, changé sa chromie, sa popularité et sa peau : il est peinture, il est bleu, il est poste de radio aux cinq tubes de l'été.
Le bleu, donc, triomphe. La forme sinueuse et fluide, de Boninsegni, flotte dans l'espace comme un ectoplasme difforme et surdimensionné. Jaillissant de nos rêves, cette sculpture est en réalité une transposition matérielle du flux qui émane de l'abdomen d'un adolescent schizophrène dans le film fantastique de « Donnie Darko ». Le bleu est également une page blanche qui convoque l'imaginaire dans le film « HABIB/KELLY/EMILIE » d'Arnaud Dezoteux. Elle associe son enthousiasme de débutant à son voyeurisme actif de producteur dont la caméra saisit, subrepticement, la vacuité des scènes entre les trois adolescents sur fond bleu. L'effet de déphasage
décrit plus haut est renforcé ici par l'étrangeté de cette situation dans laquelle des comédiens non-professionnels peinent à s'imprégner de leur environnement acoustique. « TACTILIAS BONUS », passé sous le filtre de la technique d'incrustation 3D, est le deuxième volet des films de Dezoteux produit alors qu'il était encore étudiant.